Agrandissement du LET à Bury : Le BAPE ne justifie pas 99 500 t/a

actualite

Le rapport d’enquête et d’audience publique concernant le projet d’agrandissement du lieu d’enfouissement technique (LET) de Bury produit par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement BAPE stipule qu’il n’est pas justifié que soit accordé à Valoris un tonnage fixe de 99 500 t/a sur toute la durée d’exploitation prévue, devant se terminer au-delà de 2070.
Dans son projet, la Régie intermunicipale du centre de valorisation des matières résiduelles du Haut-Saint-François et de Sherbrooke (Valoris) prévoyait enfouir 99 500 t/a pour les 50 prochaines années ; toutefois, on manifestait l’intention de réduire le volume au fil des années.
Le rapport indique néanmoins que « ce tonnage apparaît toutefois justifié pour les premières années d’exploitation, à la condition que la Ville de Sherbrooke prenne bel et bien en charge la gestion de toutes les matières résiduelles produites sur son territoire et que les résidus ultimes soient tous acheminés au lieu d’enfouissement technique de Bury. »
À ce sujet, on suggère que le gouvernement du Québec révise périodiquement à la baisse le tonnage maximal annuel autorisé en fonction de l’atteinte des objectifs de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles et des plans de gestion des matières résiduelles de deux membres de Valoris.
Qualité de l’eau
Quant à la qualité de l’eau de surface notamment pour la protection de la vie aquatique définie par le ministère de l’Environnement, on remarque que les dépassements de critères sont fréquents dans le ruisseau Bégin, même si les valeurs limites du Règlement sur l’enfouissement et l’incinération des matières résiduelles sont, en règle générale, respectées pour l’effluent du lieu d’enfouissement technique actuel de Valoris. En vertu du principe Protection de l’environnement, on suggère que l’initiateur devrait mesurer tous les deux ans la qualité de l’eau du ruisseau Bégin pour la faune aquatique et évaluer l’état des berges, particulièrement dans le milieu humide qui se trouve en aval des effluents. Ce suivi permettrait de valider la performance des systèmes de traitement du lixiviat et de vérifier la présence d’éventuels problèmes d’érosion ou de sédiment, estime-t-on.
Le rapport suggère également qu’en vertu du principe Santé et qualité de vie, que le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques devrait demander à Valoris de vérifier si l’ancien lieu d’enfouissement sanitaire a pu contaminer l’eau souterraine, et ce, afin d’établir le niveau de risque de contamination pour l’approvisionnement en eau potable des résidences et des exploitations agricoles situées en aval hydraulique. On ajoute que l’initiateur devrait déterminer si l’eau souterraine potentiellement contaminée par l’agrandissement projeté est susceptible d’atteindre les résidences du chemin Éloi, situées à un peu plus de 1 km au sud-est. « Si une contamination dans les puits d’échantillonnage qu’il prévoit installer en aval hydraulique de l’agrandissement projeté était détectée, il devrait faire le suivi de la qualité de l’eau des puits de ces résidences. Dans l’éventualité où une contamination était détectée aux puits des résidences, un plan de mesures correctrices devrait être présenté au ministère. »
Pas de problème d’odeurs
Le rapport indique que le projet d’agrandissement n’engendrerait pas de dépassement des normes et des critères de qualité de l’atmosphère, et ce, pour tous les contaminants autres que les odeurs. « Sa contribution à la concentration d’odeurs résiduelles modélisée serait mineure pour le scénario qui présente les pires résultats, soit celui de 2074. Les odeurs proviendraient principalement de la plateforme de compostage exploitée par Englobe, donc le projet n’occasionnerait pas de problématique d’odeurs, si la gestion des matières résiduelles se fait telle que présentée par Valoris. »
On ajoute que dans l’éventualité où le projet de vitrine publique de démonstration de Valoris devait se concrétiser, le ministère de l’Environnement devrait exiger de l’initiateur qu’il produise une nouvelle modélisation de la dispersion des odeurs dans le secteur environnant afin d’en évaluer les effets cumulatifs avec les activités d’Englobe.
Le rapport ajoute que Valoris devrait poursuivre ses efforts afin d’élaborer un projet de compensation pour la perte des milieux humides et continuer ses démarches avec Domtar afin d’acquérir une bande de terrain boisé, adjacente à la section nord-est du terrain visé par le projet d’agrandissement, dans l’optique d’une intégration durable de ce dernier au paysage.
Le rapport fait également état des craintes et préoccupations du public ayant participé aux audiences. On y fait mention notamment de la volonté d’une réduction du volume de matières enfouies, par le détournement de matières putrescibles de l’enfouissement. On mentionne des solutions proposées comme l’élargissement du recours à la consigne, l’amélioration du tri à la source. Le document indique les craintes des citoyens à l’effet que le projet d’agrandissement détériore la qualité de l’eau particulièrement les ruisseaux Bury et Bégin ainsi que la qualité de l’air. Les odeurs nauséabondes émanant du parc éco-industriel et la présence accrue de goélands font partie des doléances formulées.
Accueil favorable
Chez Valoris, on est favorable aux différentes recommandations contenues dans le rapport. Pour le directeur général, Denis Gélinas, « le rapport du BAPE est la continuité des ateliers d’acceptabilité sociale tenus par Valoris pendant toute l’année 2019 et que le contenu de celui-ci vient bonifier le projet d’agrandissement du LET. Valoris discute déjà avec les représentants du MELCC pour ajuster son projet en fonction des préoccupations du ministère », précise-t-il.
Le président de Valoris, Steve Lussier, souligne que le rapport du BAPE est une étape importante dans le processus. « Avec ce dépôt public du ministre, nous nous approchons d’une décision dans ce dossier. Nous comprenons que le ministre prendra quelques semaines pour recommander un décret à ses collègues du conseil des ministres. Ce qui donnera le temps à la Régie, en compagnie des différents experts qui ont participé au projet, d’approfondir le contenu du rapport et préparer les prochaines étapes pour ne pas perdre de temps advenant que le gouvernement donne son aval au projet d’agrandissement du LET de Bury. »
Robert Roy
Le préfet de la MRC du Haut-Saint-François, Robert Roy et vice-président de Valoris, n’est pas surpris du rapport « ça respecte ce que Valoris va faire, les grandes orientations, Valoris, on a les mêmes préoccupations, on va continuer de travailler avec ça. Je suis à l’aise avec ça. » M. Roy est moins confortable avec la notion de tonnage restreint. Il demande au gouvernement de reconnaître le projet de traitement mécano biologique (TMB) « on va être capable de détourner 40 %, c’est aussi simple que ça. Arrêter de subventionner à gauche et à droite des TMB similaires au nôtre. Commençons par finaliser le nôtre et après on pourra le faire exploser partout en région. » Le préfet signale que Recyc-Québec a subventionné à la hauteur de 2,2 M$ un traitement mécano biologique (TMB) en Beauce-Sartigan alors que Valoris attend toujours une reconnaissance.
Quant aux craintes envers les cours d’eau comme le ruisseau Bégin et les odeurs, M. Roy précise que des installations ont été ajoutées à cet égard. Le préfet ne considère pas que le rapport soit contraignant, « moi, je le trouve approprié. Tout ce que je demande, c’est qu’on ait le même traitement que n’importe quel autre site d’enfouissement. Je n’ai pas de problème si on l’applique aux autres », complète-t-il.
Le LET atteindra sa capacité maximale d’ici la fin du printemps 2021. Le projet d’agrandissement prévoit l’aménagement progressif de 10 cellules d’enfouissement supplémentaires sur son site du chemin du Main Central à Bury. Le projet comporte également une mise à niveau du système de traitement du lixiviat et de destruction thermique du biogaz pour un coût de construction estimé à 60 M$.
Rappelons que la commission d’enquête a uniquement un pouvoir de recommandation.

Article précédentArticle suivant
Pierre Hébert
Pierre a été le directeur général du Journal pendant plus de 30 ans. Il a pris sa retraite en 2023.
©2024 Journal Le Haut-Saint-François